Le notaire et le petit juge
Bruay-en-Artois, 6 avril 1972 : la fille de mineur
Brigitte Dewèvre, 15 ans, est retrouvée morte étranglée dans un terrain Vague.
Chargé de l’enquête, Henri Pascal, dit le Petit Juge, membre du Syndicat de la
magistrature, inculpe un riche notaire, Pierre Leroy, sur la foi de son intime
conviction. De passage près du lieu du crime en visite chez sa maîtresse, ce
dernier devient l’homme à abattre pour la mouvance maoïste. Alors en plein
essor, la Gauche prolétarienne de Benny Lévy et Serge July, futur fondateur de Libération,
mène une « enquête populaire » synonyme de justice de classe.
À Bruay, ses militants créent un Comité pour la vérité et la justice qui
proteste contre la libération du notaire et le dessaisissement du juge Pascal.
Avec le soutien de Jean-Paul Sartre, La Cause du peuple décrète : « II n’y a
qu’un bourgeois pour avoir fait ça », puis appelle au meurtre vengeur contre le
notaire – « Nous le couperons morceau par morceau au rasoir ! – Je le lierai
derrière ma voiture et je roulerai à 100 à l’heure dans les rues de Bruay ! –
II faut lui couper les couilles ! » Chez les mineurs du cru, qui vivent leurs
dernières années d’activité, « les gens étaient agressifs. II n’a pas fallu
tisonner beaucoup le feu pour enflammer tous les corons autour. S’il y avait eu
quelques gars plus culottés,
ils auraient brûlé la maison du notaire et l’auraient pendu », se souvient le
délégué CGT Francis Bricout. Finalement, la justice innocentera le notaire
ainsi qu’un jeune homme qui s’était accusé du crime. Cinquante ans plus tard,
le mystère reste entier.
Daoud Boughezala
(article paru dans Causeur d’avril 2020)
C’étaient ça l’extrême gauche des années 70.